L’être humain jouit d’une très grande adaptabilité, pour le meilleur et le pire. Vous pouvez le conduire à accepter à peu près n’importe quelle situation si vous savez comment amener cette situation de manière graduelle et progressive. Si on peut très bien comprendre les avantages possibles de cette adaptabilité aux changements des circonstances de sa vie, on mesure rarement les extrémités auxquelles l’être humain peut s’adapter lorsque les circonstances semblent le lui imposer. Pour illustrer quelque peu ces situations, nous avons par exemple les petits soldats des génocides qui, par soumission à leur autorité et en évitant de se poser les questions qui dérangent, sont capable d’envoyer leurs semblables par wagons entiers à la torture et à la mort. Nous avons aussi les victimes d’enlèvement ou de prise d’otage qui finissent par approuver et soutenir leurs bourreaux, c.f. le syndrome de Stockholm. Et un dernier exemple enfin, les femmes battues qui se sont tellement habituées à leur triste sort que le jour où leur mari rentre sans les battre, elles sont toutes catastrophées parce qu’elles pensent qu’il ne les aime plus.
Dans le même ordre d'idée, nous avons les populations de nos sociétés démocratiques qui peuvent accepter les médiocres conditions de vie imposées par leurs autorités à condition qu’elles soient introduites progressivement et dûment justifiées. Qu’entendons-nous par « dûment » ? Qu’elles soient validées par quelques explications vaguement logiques, pour autant que celles-ci soient formulées par des blouses blanches c.f. expérience de Milgram, c’est-à-dire par des experts ou des spécialistes hautement renommés.
Quel que soit le cas ou le sujet, il y a pourtant toujours un point de rupture, un degré de souffrance dans une situation donnée qui, lorsqu'il est atteint, provoque la révolte de l’être humain. Fuite, affrontement, soulèvement ou révolution sont alors suivant les cas l’expression de cette révolte. Cet enchaînement « lente dégradation, seuil critique, explosion » se retrouve tout au long de notre histoire et s'observe de nos jours, notamment, avec le printemps arabe, le mouvement des indignés et plus généralement dans les premiers pays touchés par la crise, par exemple en Grèce.
La crise. Ce mot tant prononcé de nos jours par les prêtres de l’économie qui décident de notre destin, voici ce mot clé qui leur sert d’alibi pour justifier la dégradation progressive et organisée de notre condition sociale. Pourtant, le nombre de millionnaires ne cesse de croître. Le marché de l’art et le commerce du luxe sont tout aussi florissants. Et lorsque nos banques risquent la faillite parce que leurs investissements spéculatifs, après avoir faits la fortune de leurs actionnaires et leurs dirigeants, ont fini dans les chiffres rouges, nos états comme par miracle trouvent toujours une solution pour les recapitaliser. Donc si on comprend bien, « crise » signifie simplement que les riches deviennent plus riches et les pauvres, plus pauvres…
En Suisse aussi, même si dans ce pays la pauvreté semble encore si marginale, cette dégradation de la condition sociale est déjà bien engagée. Le système semble pourtant encore bien ronronner : bien que de plus en plus de gens tombent dans la précarité, la plupart peuvent encore se convaincre qu’il s’agit d’exception, que ça n’arrive qu’aux autres, aux faibles, aux inadaptés ou aux trop vieux. Quant aux organismes de protection sociale, ils continuent de croire qu’ils ont les moyens de s’opposer au démantèlement social en se persuadant, on ne sait comment (en forçant sur la dose de prozac, peut-être…), que l’économie Suisse est un îlot qui restera préservé à jamais des tsunamis de plus en plus violents qui ravagent les rives de l’économie mondiale.
Malheureusement, ce beau rêve n’est qu’une nouvelle version de ceux fait par les précédemment mentionnés, ces témoins de l’inacceptable démunis du courage de s’y opposer, qui préfèrent la soumission à un système qui les exploite plutôt que de remettre en question leur petit confort frileux. On peut bien sûr continuer à dormir et se laisser conduire passivement vers le point de non retour avec son lot de souffrances associées (révolution, guerres, etc.). Mais il est possible aussi de prendre aujourd’hui même la décision de garantir à chacun les conditions d’une existence économique, minimum peut-être, mais suffisante pour vivre et pour participer à la vie de la société.
Le revenu de base est une révolution pacifique à portée de nos mains, aurons-nous l’intelligence de saisir cette chance ?
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Aurons-nous l’intelligence de saisir cette chance ?
Je l'espère oui !