Moins de rentes de l'Assurance Invalidité
Dans le débat précédent la votation, l'OFAS se réjouit de ce que le nombre de nouvelles rentes accordées aux personnes handicapées ait diminué de 40 %. Cela signifie que par le passé l'AI a accordé des rentes trop facilement, mais pour quelle raison ? Ni à cause des fraudeurs, ni à cause du "laxisme" des fonctionnaires, mais à cause de la transformation de l'économie. Les entreprises ne peuvent plus se permettre de conserver des employés moins rentables, elles ont supprimé les postes adaptés à des personnes moins performantes.
Pendant des années, les travailleurs qui avaient des problèmes de santé, souvent liés à leur âge, ont été poussés vers l'assurance invalidité. Dès qu'une personne était malade pendant 1 an, on demandait une rente AI, et on était presque certain de l'obtenir. L'employeur, la caisse maladie, le travailleur social, le médecin considéraient comme un devoir professionnel de diriger la personne vers une rente AI – même en lui forçant la main lorsqu'elle se faisait des illusions et espérait pouvoir recommencer son activité dès qu'elle irait mieux…Proposer à une travailleuse ou un travailleur de demander une rente AI, pour son bien naturellement, cela pouvait déclencher le refus, l'indignation, les larmes; les professionnels redoutaient ces entretiens.
Pour adoucir le choc, le travailleur social expliquait que la rente AI était certes un revenu insuffisant, mais qu'elle s'accompagnait automatiquement de la rente d'invalidité de la caisse de pension, souvent plus élevée… Il existait des rentes complémentaires pour le conjoint et les enfants à charge… Ainsi peu à peu l'intéressé s'habituait à l'idée de perdre définitivement son activité professionnelle, et au deuxième ou troisième entretien on pouvait remplir le fameux formulaire jaune…
Maintenant, on continue à solliciter des rentes AI pour des personnes vieillissantes et en mauvaise santé, mais il y a une chance sur deux seulement qu'elles soient accordées – ce qui augmente l'angoisse du demandeur. Il faut donc lui expliquer que faute de rente AI il pourra recourir à l'aide sociale jusqu'à l'âge de la retraite – à moins qu'il puisse se débrouiller seul, avec sa fortune et l'aide de ses proches… Trouver un emploi malgré son handicap et gagner un salaire supérieur aux normes de l'aide sociale relève du conte de fée…
Tout le monde n'est pas perdant à ce jeu : comme l'aide sociale est payée par les cantons et les communes, les charges diminuent pour la Confédération. et les caisses de pension font des économies.
Il est temps de changer de système, de préparer l'introduction d'un revenu inconditionnel de base à la place des rentes AI (mais non des prestations de réadaptation, qui seront toujours nécessaires). En attendant mieux, votons OUI à l'augmentation des ressources de l'assurance-invalidité.
Eva Duchemin