26360 lectures

Le revenu de base, quelle universalité?

Rubrique:

C'était sympa de participer dans le public à cet Infrarouge sur la "Hausse de l'aide sociale : Inéluctable?" Les discussions à l'issue de l'émission furent passionnantes et évidemment autour du revenu de base.

 

Le revenu de base, impossible en Suisse?

Certaines objections concernant l'universalité me donnent envie de répondre : "l'idée du revenu de base est bonne, c'est une belle utopie, mais elle n'a de sens qu'à un niveau mondial". Ok, on n'est pas rendu… La justification de ce point de vue?
- Le revenu de base engendrera un problème d'immigration évident s'il n'est instauré que dans certains pays… Appel d'air, on appelle ça, ce qui bien évidemment n'arrivera pas si tout le monde touche un revenu de base chez lui! CQFD
- C'est un droit humain et, comme nous sommes tous des êtres humains, il est normal que chacun y ait droit, donc il faut l'instaurer partout.

Ok, sur le principe on est d'accord… mais seulement sur le principe! Car sinon je m'assois et je regarde passer les trains. Je préfère prendre le problème dans l'autre sens et chercher comment rendre possible ce nouveau droit, d'abord localement, au niveau d'un pays, là où nous avons une possibilité d'action et pouvons ouvrir la voie.

 

Quelles conditions de résidence ?

Tout changement demande des adaptations et le revenu de base ne fait pas exception : il nous demande de penser les réglementations qui le rendent possible à l'échelle d'un pays, sans bouleverser de manière drastique l'équilibre démographique et économique. Si la Suisse décide de choisir la voie du revenu de base, alors elle doit en effet trouver la manière de garantir de sa viabilité.

D'abord soyons clair, l'introduction d'un revenu de base ne remet pas en question les politiques d'immigration définies par ailleurs par la Suisse, ni les règles afférentes à la nécessité de pouvoir subvenir à ses besoins pour venir s'y établir. Aujourd'hui, il n'est pas possible de s'établir en Suisse si on n'a pas les ressources financières pour le faire ou un contrat de travail, soit l'assurance de pouvoir subvenir à ses besoins. Lors de l'implémentation d'un revenu de base en Suisse, il est tout à fait possible d'adapter ce mécanisme et d'octroyer ce revenu de base comme une composante du salaire durant les premières années de résidence, c'est-à-dire conditionnellement à l'emploi. Il est de toute manière évident qu'un temps de résidence minimum permettant de toucher ce revenu de base de manière réellement inconditionnelle doit être défini, qu'il soit de deux, trois ou cinq ans.
 

Un droit humain universel, ça se construit localement

Et pour la deuxième objection concernant l'universalité, soit le fait qu'il faille l'introduire à un niveau mondial pour des raisons éthiques? Eh bien, toujours sur le principe, je suis d'accord... D'autant plus lorsque je vois les conséquences positives de cette implémentation dans des régions d'Inde, de Namibie, du Canada. Mais là encore, si l'on devait attendre, comme le proposait hier soir Jean-Nathanaël Karakash, l'existence d'un gouvernement mondial, on pourrait s'assoir et regarder passer les trains. Et puis on pourrait aussi se dire que la protection des travailleurs, la semaine de 40 heures, les congés payés, le système d'assurance maladie, ne devraient pas exister chez nous tant qu'ils n'existent pas partout ailleurs dans le monde...

Commentaires

Appel d'air à l'immigration ?

Bonjour,

J'ai un point de vue différent concernant l'immigration. En effet, selon la façon dont le revenu de base est instauré, il est possible que les salaires soient diminués du montant de ce revenu de base. Plus que possible, c'est même souhaitable, si l'on veut éviter une forte inflation.

Sauf que, du coup, avec une telle règle, les entreprises sont les uniques bénéficiaires de ce revenu de base. Elles augmentent leurs marges en baissant les salaires. Sauf si le revenu de base est financé par celles-ci. Prenons l'exemple d'un financement indirect des entreprises par l'intermédiaire d'une TVA élevée.

Avec ces hypothèses, presque rien n'est changé :

  • les salariés touchent les mêmes revenus, sauf qu'ils sont divisés en deux parties, l'une payée par l'employeur (salaire), l'autre par l'organisme qui gère le RdB ;
  • les prix varient très peu, la baisse des salaires permettant une baisse des coûts, mais étant compensée par la hausse de la TVA ;
  • les marges des entreprises, du coup, en moyenne, ne changent pas.

Cela peut, par contre, avoir certains effets par rapport à l'étranger :

  • les frontaliers n'ont plus le même intérêt à venir travailler dans le pays, les revenus étant beaucoup moins intéressant si l'on a pas le revenu de base pour complèter ;
  • les prix sont beaucoup plus compétitifs sur les marchés internationnaux, la TVA n'étant payable que dans le pays où la transaction a lieu.

​Donc, au contraire de ce que l'on entend parfois, selon la manière dont le RdB est mis en place, cela peut même freiner l'immigration. Et contrairement à ce que l'on entend parfois, il n'est pas utile de mettre le RdB directement au niveau mondial. Le seul moyen, pour les pays voisins, de se défendre contre cette amélioration de compétitivité est en effet… De mettre également en place un revenu de base !

On joue aux dominos ?

Stéphane Veyret