Hier, petite virée en train à l'autre bout du lac Léman, juste pour le bonheur de la vue magnifique dans la région de Villeneuve. Déformation professionnelle oblige, ou passion plutôt, avec Ralph on se dit que, même si on ne récoltera pas de signatures aujourd'hui, on va prendre un peu de matos, au cas où... Juste le minimum: plateau de signatures, quelques flyers et un badge. On voyage léger, on part en ballade.
Dans le train, je me retrouve assez vite avec le fameux badge-flyer autour du cou : un peu de pub, l'air de rien et sans avoir grand chose à faire. Cela attire certains regards. Le paysage défile, beau, le lac discute avec la brume. On plaisante. J'oublie mon badge, dont je me souviens à intervalle, lorsqu'un regard s'arrête sur ma poitrine.
Arrive un contrôleur, ma fois sympathique, qui discute avec presque chaque voyageur. Le voilà près de moi, qui prend mon billet et dit en regardant mon pendentif :
- Ah oui, ça avance, déjà 75'000 signatures!
- Ah? vous connaissez?, mes yeux brillent.
- Oui, oui, je n'ai pas encore signé, mais je suis tout cela, je reçois la Newsletter.
- Ah, eh bien je peux vous faire signer!, j'ai déjà la main dans le sac.
Le voilà prêt à signer, qui se ravise : il veut faire signer d'autres personnes aussi. Et puis bon il est en service... mais convaincu que l'idée est bonne :
- Tout de même, au 21ème siècle il est temps de supprimer le travail, enfin le travail obligatoire. On a des chances que ça marche : on a voté oui à Minder!
Et le voilà qui repart et continue la danse du contrôleur, et moi qui reste béate et estomaquée de cet échange impromptu. Trouée dans la brume. Optimisme débordant. Notre initiative, comme le train, fend l'air sans résistance. On n'en revient pas juste là, qu'un contrôleur de train soit au courant, qu'il reçoive notre Newsletter. Ça avance, l'idée avance, elle fait son chemin, elle creuse son trou.
Et moi qui me dit que désormais, j'adopte la tenue activiste en ballade : faire de mon torse un outil de communication, devenir une interpellation visuelle en mouvement. Attirer l'oeil, ouvrir un espace de parole.
Halte en gare de Lausanne. J'ai faim, je vais m'acheter un petit pain. La jeune vendeuse bloque sur mon badge et me demande s'il s'agit du salaire minimum. Je dis que non et explique rapidement la différence, lui parle de l'initiative en cours : elle veut signer. Sa collègue aussi. Graine semée, sourires échangés, on est tous contents d'avoir brisé l'habituel "Bonjour, un pain aux raisins, 3 francs, merci, au revoir".
Trop bien!
Dans le train qui nous ramène vers Genève en fin de soirée, de nouveaux échanges de regards et une jolie discussion avec un homme qui a déjà signé l'initiative, encore un!, mais se demande quelle chance cette idée pourrait bien avoir en Suisse... Oui, on se pose tous la question. Enfin, moi de moins en moins, ce n'est pas ce qui me motive à agir, savoir si cette initiative a une chance ou non d'être votée.
Par contre, rencontrer des gens, parler avec eux d'un changement complet de société, ça ça me motive ; parler de ce mythe du plein-emploi qui fout le camp, de ces machines qui remplacent le travail des hommes, de cette obligation de gagner sa vie qui empêchent pas mal de monde de se consacrer à ce qu'il trouve important... Oui.
Je ferais bien un tour de Suisse avec mon badge, moi...
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