L'article de Annie Lowrey paru dans le New-York Times le 12.11.2013 enfin en français!
Cet automne, un camion déversait 8 millions de pièces devant le Parlement à Berne, une pour chaque citoyen suisse. C'était un coup de pub pour les défenseurs d'une politique sociale audacieuse qui pourrait devenir réalité dans ce petit pays riche. En même temps que les pièces de monnaie, les militants ont déposé 125 000 signatures — assez pour déclencher une votation en Suisse, cette fois sur l'introduction d'un revenu mensuel versé à chaque citoyen, sans conditions. Chaque mois, chaque personne suisse recevrait un chèque du gouvernement, que l'on soit riche ou pauvre, qu'on travaille dur ou pas, que l'on soit jeune ou vieux. La pauvreté disparaîtrait. Les économistes sont bien évidemment fortement divisés sur ce qui pourrait réapparaître à sa place — et sur le fait de savoir si un tel régime de revenu de base pourrait concerner d'autres pays moins socialistes.
Illustration: Kelsey Dake
La proposition est, en partie, le fruit d'un artiste allemand nommé Enno Schmidt, un chef de file dans le mouvement du revenu de base. Il sait bien que l'idée a l'air un peu folle. Lui-même le pensait lorsqu'on lui en a parlé la première fois. « Je dis aux gens de ne pas y réfléchir pour les autres, mais d’y réfléchir pour eux-mêmes » dit Schmidt. « Que feriez-vous si vous aviez ce revenu ? Qu’en serait-il si vous deviez vous occuper d'un enfant ou d'une personne âgée?" Pour Schmidt, le revenu de base assurerait dignité et sécurité aux personnes pauvres, particulièrement aux chômeurs ou aux travailleurs précaires en Europe. Cela permettrait aussi de libérer la créativité et l'esprit d'entreprise : les travailleurs suisses pourraient choisir de travailler comme ils veulent, plutôt que d'y être forcés juste pour joindre les deux bouts. Il va même jusqu'à comparer le mouvement pour le revenu de base à un mouvement pour les droits civiques, tel ceux pour le droit de vote des femmes ou la fin de l'esclavage. [+]